Samedi prochain, vous vous direz « vivement dimanche » - et d'ici là, on parle de Vapor Web, de fake reviews et de 10 000 pas par jour…
TOUT D’ABORD…
Bienvenue dans le Vapor Web
Une tribune parue dans Wired il y a quelques jours met les pieds dans le plat : avec l'érosion consécutive des grands réseaux sociaux de ces 15 dernières années, « l’âge d’or de la connectivité s’achève », et une bonne partie d’entre nous n’ont nulle part où aller. En gros, on se retrouve « orphelins ». Que ce soit Facebook et Instagram, devenues des plateformes publicitaires plus que des réseaux sociaux et mettant en avant un nombre innombrable de contenus sponsorisés, ou X, dont nous n’allons pas rappeler ici la trajectoire désastreuse depuis 1 an, il ne reste guère plus que TikTok qui a supplanté tout le reste en termes de popularité. Mais à la différence près que la promesse de TikTok est l’inverse de celles des réseaux sociaux historiques…
Comme l’expliqueRyan Broderick dans sa newsletter Garbage Day : « L'algorithme de TikTok est l’exact opposé de celui de Facebook. Son effet de réseau n'est pas basé sur l’attrait de masse faisant boule de neige pour pousser à une viralité mondiale, mais sur l'identification de contenus de niches. » Poursuivant sur ce qu’il appelle « post-viralité » : « Mon TikTok et votre TikTok ne seront jamais les mêmes, ce qui signifie également que, de plus en plus, mon internet et votre internet ne sont pas les mêmes. ». En résumé : la déchéance des réseaux historiques et la montée de TikTok sont deux évènements simultanés qui remodèlent intégralement nos façons d’interagir en ligne, mais aussi de consommer du contenu, amplifiant de façon excessive l’incohérence et l’incompréhension, la fragmentation des tendances et la « vaporisation » des utilisateurs et des informations. Un « Vapor Web » prêt à s’enflammer pour tout et n’importe quoi (ou pas – on l’espère).
LA BONNE NOUVELLE DE LA SEMAINE (OU PAS) ?
Tout est faux !
Truman Burbank se réveille tous les matins dans un monde parfait, dans lequel le boulanger l’appelle par son prénom, ses voisins lui demandent son avis sur la météo et les passants et autres quidams qu’il croise sont toujours de bon conseil quand il les sollicite… Le monde de Truman Burbank a tout l’air d’être parfait, sauf que… tout est faux. Vous le savez probablement si vous avez vu le film culte de Peter Weir : le monde dans lequel vit le jeune homme est une sorte de Secret Story géant dont il est l’acteur principal et dans lequel tous les autres participants sont là pour le pousser à continuer le show de façon indéterminée, en lui faisant croire tout et n’importe quoi. Évidemment, ce monde n’est pas vraiment comparable au nôtre, si ce n’est que, comme Truman, nous sommes régulièrement confrontés au phénomène psychologique qu’on appelle l’effet de vérité illusoire. Identifié au milieu des années 70, ce biais cognitif explique comment nous avons tendance à croire qu'une information est correcte après y avoir été exposés de façon répétée, alors que nous savons pourtant, grâce à des preuves tangibles, qu’elle est fausse.
Parue il y a quelques jours, une enquête du New York Times s’est penchée sur le fléau des faux avis en ligne, qui prospèrent depuis les débuts d’Internet (et même bien avant) et que nous continuons à consulter inévitablement, parce que ça nous rassure de savoir que d’autres personnes ont acheté le même aspirateur ou pris RDV chez le même barbier – alors même que nous savons que ces avis ont de grandes chances d’être faux. Bon, ça fait bien longtemps qu’on sait que les dés sont pipés quand il s’agit de restaurants, de produits électroménagers sur Amazon ou encore d’appartements sur Airbnb. Sauf que la situation se complique quand il s’agit de médecins, de promoteurs immobiliers ou d’offres d’emploi. Et donc, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les faux avis les plus graves ne sont pas sur Expedia ou la Fnac mais sur Google et Google Maps. Comme l’explique Curtis Boyd, fondateur de Transparency Company, « un mauvais couteau de cuisine à 10 dollars ou un casque Bluetooth bon marché ne vont pas ruiner votre ménage. Par contre, choisir le mauvais médecin, le mauvais avocat ou le mauvais entrepreneur, ça peut être très grave ».
En 2013, suite à la mise en place d’une norme, de nombreux médias titraient déjà « la fin des faux avis » (ici et ici). Pourtant, depuis 10 ans, leur nombre n’a baissé d’aucune manière, bien au contraire. Et avec ChatGPT, ça ne fait que commencer… Si les conséquences de ce business très rentable ne sont pas les mêmes selon les secteurs, et que la modération mise en place par Amazon et Google a l’air de fonctionner (de façon mesurée et insuffisante, mais ils ont tout de même effacé respectivement 200 et 115 millions d’avis frauduleux l’année dernière), la seule solution pour s’en débarrasser intégralement serait une régulation drastique. Toujours prompt à refourguer la responsabilité à d’autres, Amazon n’hésite pas à balancer la patate chaude aux « organismes gouvernementaux qui disposent de l'autorité et des fonds nécessaires pour poursuivre ces courtiers en fausses reviews ». En résumé : on ferait mieux de s’habituer à un monde dans lequel tout le monde nous dit ce qu’on a envie d’entendre…
ET AU MOINS UN TRUC INTÉRESSANT (C’EST POUR ÇA QU’ON LE MET EN GROS)
« Il semble y avoir une obsession pour les 10 000 pas par jour… Alors que le plus important, d'un point de vue de santé publique, est de faire bouger les gens de leur canapé. La question que nous devrions vraiment nous poser est la suivante : combien de pas sont insuffisants ? »
En 1964, à quelques mois des Jeux olympiques de Tokyo, quelques jeunes pousses japonaises tentent de faire parler d’elle sur la thématique du sport et du bien-être. L’une d’entre elles, Yamasa Corporation, lance son podomètre, le « Manpo-kei » (Man pour « 10 000 », po pour « pas » et kei pour « mètre »). Un peu comme le « Just do it » de Nike, le slogan du podomètre de Yamasa est « marchons 10 000 pas par jour » – probablement aussi parce que 万 (le caractère japonais pour 10 000) ressemble à un homme qui marche.
Soixante ans plus tard, il semblerait que le nombre magique des 10 000 pas / jour a largement infusé les esprits et a été associé à un large éventail de bienfaits, tels que la perte de poids, la réduction des risques de cancer, de démence et de maladie cardiaque… Et un peu comme on monitore ses performances sur les réseaux sociaux, tout le monde traque ses 10K/pas par jour, comme s’il s’agissait de l’alpha et l’oméga de son état de santé personnel. Sauf que, si l’on creuse un peu, cette valeur n’a rien de scientifique, et de nombreux experts s’écharpent désormais sur le nombre exact de pas qu’il faut faire pour rester en bonne santé (plus de 7000 ? Plus de 15 000 ?). D’autres nous expliquent également qu’il s’agit avant tout d’intensité de la marche, et qu’il ne faudrait surtout pas oublier le cardio. Vous êtes prévenu·es !
Allez, bisous !
Merci d'avoir perdu 5mn.
Tech Trash revient jeudi prochain (guettez vos boîtes mail).
Nota Bene :vous avez peut-être remarqué que nous avons changé de plateforme d’envoi (big up à Kessel Media). Si jamais vous recevez ce mail alors que vous vous étiez déjà désincrit·e il y a quelque temps, si vous avez l’impression de ne plus recevoir Tech Trash, ou encore que votre newsletter favorite arrive désormais dans les spams, n’hésitez pas un instant : écrivez-nous à hello@techtrash.fr. On répond à tout le monde (même si ça peut mettre quelques jours), requêtes, questions, mots d’amour… promis 😘